Écrit par Claire Chevalier - Publié le 17/03/2025 à 17h00
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Dans un avenir proche, il se pourrait que les aiguilles des vaccins passent aux oubliettes. À Lille, un chercheur développe depuis 30 ans un vaccin nasal en spray. Avec son entreprise Vaxinano, il sauve déjà les vies de primates touchés par la toxoplasmose. Son invention pourrait être déclinée prochainement chez l'homme pour différentes pathologies.
Le bâtiment ne paie pas de mine, tout près du Centre hospitalier de Lille (Nord), au milieu des autres entreprises soutenues par Eurasanté, agence pour l'innovation. Dans cet immeuble austère, sur deux étages, le chercheur Didier Betbeder développe un vaccin nasal en spray.
Le chercheur est bien connu dans le monde scientifique pour son incroyable invention et sa ténacité. En trente ans de recherche, il a déposé six brevets pour protéger ses travaux et publié une centaine d'articles dans les plus grandes revues.
Ne lui dites pas que c'est un spray à inhaler. Non, non, non. C'est un spray nasal. La différence est qu'il n'est pas destiné aux poumons, mais bien aux muqueuses nasales.
L'idée est toute simple. Il l'a eu en 1992. Elle est née d'un constat : "La majorité des infections arrivent par les muqueuses et le système immunitaire y est présent à 70%", raconte Didier Betbeder. Il est alors le premier dans le monde à travailler sur un vaccin nasal, une "plate-forme de nanoparticules", vecteur de vaccins capable d'agir contre les virus, bactéries et parasites.
La véritable innovation réside dans le fait d'avoir "créé des nanoparticules capables de mimer la capacité des virus à traverser les muqueuses pour délivrer le vaccin" et de ne pas utiliser des vaccins vivants infectieux. Les nanoparticules végétales sont produites à partir de polysaccharides (des glucides) et de maltodextrine (de l'amidon). Pour cela, le chercheur travaille notamment avec l'entreprise Roquette, dans le Pas-de-Calais.
Le chercheur explique : "L'intérêt de la voie nasale est qu'elle induit une immunité qui permet de bloquer l'infection et la transmission. Cela permet de produire des anticorps qui neutralisent le virus avant qu'il nous infecte". Il détaille : "Par rapport à un vaccin classique, il n'y a pas d'adjuvant, donc pas d'inflammation. Et puis, il a deux types d'actions. Celle par anticorps dans les muqueuses et puis, il peut aussi de détruire les cellules dans lesquelles le virus s'est déjà immiscé". Ce vaccin aurait donc à la fois une action préventive et curative.
Pour déployer et commercialiser son innovation, Didier Betbeder a créé une entreprise en 2016. Développer un dispositif médical de ce type prend beaucoup de temps. Première cible de Vaxinano, les zoonoses, les maladies qui se transmettent de l'animal à l'homme. L'entreprise a développé des vaccins pour lutter contre la toxoplasmose, la leishmaniose ou la colibacillose (Escherichia coli).
La Toxoplasmose peut être grave pour les fœtus et les personnes immunodéprimées. Elle fait aussi de nombreuses victimes dans le monde animal. Alors, les premières doses produites ont été proposées dans les parcs animaliers du monde entier pour traiter notamment les primates et les espèces en voie de disparition. Aujourd'hui, plus de 27 espèces de primates ont été vaccinées dans le monde, plus d'un millier de doses ont été diffusées.
Un des premiers parcs zoologiques à profiter de cette vaccination a été Pairi Daiza, à Brugelette en Belgique. Depuis cinq ans, Alicia Quiévy, vétérinaire, utilise le vaccin nasal de Vaxinano. Elle confie : "Parce que le parc est grand et que nous avons des chats errants et des renards porteurs de la toxoplasmose, nous avions des cas chez les Lémuriens et les Saïmiris. Quand nous avons vu la facilité d'administration du vaccin, nous avons tout de suite été intéressés. Nous avons fait des prises de sang pour savoir si les primates étaient porteurs ou pas de la toxoplasmose pour vérifier aussi l'effet curatif du vaccin".
Une centaine d'animaux a été ainsi vacciné. Les arrivants ou les nouveau-nés le sont lors d'une campagne menée chaque année. Pour Alicia Quiévy, les bénéfices sont indiscutables. Le parc n'a eu qu'un seul décès à cause de la toxoplasmose ces dernières années : un bébé lémurien qui n'avait pas encore reçu sa dose. "Preuve que le parasite est toujours bien présent, mais nous n'avons plus de cas, alors que la maladie pouvait être fulgurante et emporter un animal en 48 heures", souffle-t-elle.
La vétérinaire voit dans ce vaccin nasal de nombreux avantages. "D'abord, nous n'avons pas constaté d'effets secondaires contrairement aux vaccins injectés, l'administration est très facile et l'efficacité semble être durable", avance-t-elle. Désormais, le vaccin nasal contre la toxoplasmose est intégré au "check-up" annuel des primates et marsupiaux. Au bout de 4 sprays sur 3 ans, ils sont considérés comme protégés à vie.
Forcément, avec cette nouvelle technologie, la question se pose de la développer pour soigner les Hommes. Ce que confirme Didier Betbeder, fondateur et président de Vaxinano. "L'objectif est de renforcer l'activité vétérinaire de l'entreprise pour lancer l'activité humaine". Il explique : "Nous sommes sur les cibles les plus difficiles, les parasitoses [NDLR : des maladies dues à des parasites]. Elles sont difficiles à soigner et souvent la vaccination ne marche pas ou pas complètement. Le fait d'avoir un vaccin à la fois préventif et thérapeutique est une première mondiale".
Le chercheur explique travailler sur un vaccin contre la leishmaniose, une maladie qui touche les chiens et les humains avec une société pharmaceutique française installée au Brésil. Mais aussi à un traitement contre la toxoplasmose rétinienne, une infection qui toucherait 4% de la population en Amérique latine et qui rend aveugle les personnes atteintes.
Le vaccin nasal est en cours d'homologation pour l'usage vétérinaire par l'Agence européenne du médicament. Une fois enregistré, il pourra être commercialisé pour l'animal. Le chercheur espère des essais cliniques pour l'homme en 2027.
Pour réussir ce défi, le nerf de la guerre est bien sûr les finances. Vaxinano vient de lever 6 millions d'euros qui lui ont permis de lancer la production de la "plate-forme de nanoparticules" à grande échelle. Une production de plusieurs millions de doses est en cours.
Mais pour les étapes suivantes, l'entreprise a besoin de bien plus. Elle se prépare à lever 15 millions d'euros pour lancer les essais cliniques, "en 2026 dans le meilleur des cas". La société est en pleine croissance, elle emploie aujourd'hui une douzaine de personnes. Et Didier Betbeder assure qu'avec son vaccin "on obtient une immunité plus complète qu'avec une vaccination classique, avec moins d'effets secondaires".
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